70 KMS ENTRE AUDE ET ARIEGE

Ce samedi 29 avril 2000, un coup de fil de David me mit d'entre 100 000 hecto-pascals de pression :
"- rendez-vous 10h30 l'atterro de Tuchan.
- Euh, quoi, mais...attends, David, euh...(je venais de me servir un bol de thé qui fumait devant moi), c'est pas la peine d'y être si tôt, non?!
-Tout le monde y sera, il y aura même Christine Cessio et Marc Rispoli venus exprès de Font-Romeu! T'as intérêt à y être! ça va fumer!"
L'instant d'après, j'étais à 180 sur l'autoroute alors que, chez moi, mon thé abandonné clapotait encore sur les parois du bol... Il avait dit vrai, Marc et Christine étaient là, mais aussi la plupart des "milans" catalans, cathares et autres occitans : Marc Lasseye, Hervé Gril, Gilles Felipo, Claire Capdet, et bien sur David Tisseyre et Philippe Rétana, les recordmen du site (cf récit de vol de Hervé). Ne manquait qu'Hervé Deschamps, capturé par des Chiricawas (plus tard nous pûmes l'échanger contre un peu de pacotille)...
C'était une de ces journées bénies où la tramontane faiblit de plus en plus pour laisser place aux brises marines en fin de matinée. Tous les beaux vols au départ de Tuchan se sont faits dans de telles conditions. Il y avait également un peu de vent météo sud-est, qui, par endroit, était assez fort dans les basses couches. Tous en l'air très vite ( midi en ce qui me concerne), nous devrons en fait patienter trois quarts d'heure avant qu'un petit groupe puisse s'extraire du site, dans des ascendances encore peu affirmés, plafonnant à 1400 m., qui dérivent nettement sud-est /nord-ouest, le tout sans matérialisation. Marco R. est déjà parti, prenant une route plein nord originale. Après un point bas juste avant le chateau cathare de Peyrepertuse, nous sommes encore trois à nous laisser dériver dans le même thermique, David, Philippe et moi, Marco L n'étant pas loin derrière, et c'est là que nos chemins se séparent, et j'enroule jusqu'au bout un thermique qui me hisse à 1700, et qui dérive en arrière du chateau.
A partir de cet instant, à peu près vers le col du Paradis, le vol change de physionomie : les plafonds sont plus haut, je quitte les reliefs, et la plaine devant moi est en train de s'allumer, avec des cumulus qui se forment un peu partout!
De fait je fais le plafond à 2200 m. au dessus d'Arques (selon ce que me dit David à la radio), jusqu'aux barbules, et peu de choses près, j'y reste pendant une quarantaine de kilomètres, sans trop savoir où je suis exactement. Le vol devient extrêmement plaisant, la plaine inconnue se déroule sous mes pieds, et si je fumais encore, je me roulerais probablement une cigarette. Dommage que les copains m'aient tous laissé tomber. Le vol c'est toujours mieux à plusieurs, surtout en plaine.
Je laisse ainsi, sans le savoir, Limoux à ma droite, et je survole peu après Ajac, La Bezole, Courtauly, Lagarde. Sans doute trop confiant, je néglige l'observation de ce qui m'entoure et je me retrouve dans du bleu. Ceci sonne la fin de la partie, juste au moment où je venais de reconnaître, loin au sud, les fameux monts du Plantaurel qui auraient peut-être pu m'ouvrir la porte du saint-gironnais, si j'avais infléchi ma route à temps! Mais n'oublions pas ce fameux proverbe bantou qui dit : "Avec des si, on ferait Leucate-Biarritz les doigts dans le nez!"
Je posais donc à 15h15 à La Bastide de Bousignac, tout près de Mirepoix. Avec un point de contournement à Peyrepertuse, ça me faisait 70 kilomètres tout rond! Mille mercis à Gilles Félipo, venu me récupérer avec une célérité qui m'a laissé pantois, récupérant aussi Marco L. posé à Serres, près de Couiza, et Marco R. posé à 20 kilomètres au sud de Carcassonne. David est posé non loin de Marco L. Je conclurai en disant qu'il ne me reste plus qu'à prendre du poids, beaucoup de poids d'ici septembre (les pilotes qui sont au courant du challenge du Mont Tauch comprendront ce private-joke).

Bernard Trouche

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